Les oeuvres du Diable

St Jean nous dit à de nombreuses reprises que le Christ s’est incarné, non pour juger le monde mais pour que par Lui le monde soit sauvé. Jn 3, 17.
 
« Voyez de quel grand amour le Père nous a fait don, que nous soyons appelés enfants de Dieu et nous le sommes !
Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous connaître : il n’a pas découvert Dieu. » 1 Jn 3,1
« Quiconque commet le péché commet aussi l’iniquité ; car le péché, c’est l’iniquité » 1 Jn 3,4

« Qui commet le péché est du diable (diabolos = celui qui divise, qui désuni) parce que depuis l’origine le diable est pécheur. Voilà pourquoi a paru le Fils de Dieu : pour détruire les œuvres du diable. » 1 Jn, 3,8

 

Que sont les œuvres du diable, quelles sont ses stratégies ?
Par Eric Maignaud
(Le texte est téléchargeable en bas de page)
Le péché c’est l’iniquité, c’est ce qui nous sépare de Dieu, de la relation d’amour et d’alliance qui nous lie à lui. Dieu s’engage envers moi et moi je m’engage envers lui par la foi, par une confiance indéfectible en sa miséricorde.

Tout ce qui me sépare de cette relation est iniquité. C’est l’homme qui souhaite se réaliser et s’accomplir en dehors de cette relation, c’est l’homme qui revendique son autonomie et son indépendance, « c’est l’ensemble des forces mauvaises qui se ferment à Dieu et au Christ et qui cherchent à nous détourner de faire la volonté de Dieu »[1].

L’homme, dans son humanité, est le lieu, l’enjeu d’un combat où s’affronte des puissances de vie et de mort.
« Ce n’est pas à l’homme que nous sommes affrontés, mais aux Autorités, aux Pouvoirs, aux Dominateurs de ce monde de ténèbres, aux esprits du mal qui sont dans les cieux. » Ep 6, 12.
Jean nous présente Satan comme un voleur et un tueur et Jésus comme un bon Berger : « Le voleur ne se présente que pour voler, pour tuer et pour perdre ; moi je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. » Jn 10, 10
La volonté de Dieu sur nous est que nous ayons la vie en abondance, que nous soyons vraiment libres de goûter et de participer à cette relation intense d’amour qui unit Jésus à son Père afin que notre joie soit parfaite. Jn 15,11
La Volonté du Père est que nous puissions jouir de cet amour, sans condition.
« Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » St Athanase
La volonté de Satan est de distiller le soupçon par tous les moyens possibles pour mettre en doute cette liberté de relation et d’amour à laquelle l’homme est convié. Satan est homicide et menteur dès l’origine.
« Dès le commencement, il s’est attaché à faire mourir l’homme… lorsqu’il profère le mensonge, il puise dans son propre bien car il est menteur et père du mensonge. » Jn 8, 44
Le malin cherche en particulier à séduire les chrétiens pour qu’ils se détournent de leur foi[2].

Le but affiché de Satan est clairement de séparer l’homme de Dieu et de tuer en l’homme son humanité et de déchaîner le chaos.

Pour développer son projet de mort de l’homme, Satan utilise tous les moyens en son pouvoir.
L’homme coupé de Dieu, vit dans l’illusion orgueilleuse d’une toute-puissance égotique qui atteint son paroxysme dans l’individualisme, le consumérisme, la domination par le pouvoir, la guerre, la spéculation, l’avarice et tous les désordres possibles pour assouvir ce besoin de se sentir vivant et puissant de manière autonome, sans dépendance, quitte à mettre sa vie en danger ainsi que celle des autres. L’homme devient aveugle de son propre aveuglement.

L’émotion sous-jacente à tout cela est la peur, la peur de la mort physique et de tout ce qui nous fait prendre conscience de nos limites : nos manques, la maladie, les échecs, les rejets, les jugements, les condamnations, la misère…

« De même que la grâce présuppose la nature et se manifeste à travers la nature, l’influence démoniaque affecte la nature et s’exprime à travers des symptômes psychologiques, émotionnels et mentaux. La maladie peut ouvrir une brèche à la démonisation, tandis que des esprits mauvais peuvent renforcer une détresse émotionnelle ou des pensées obsessionnelles ou des schéma comportementaux. »[3]
Ce qui permet aux mauvais esprits de s’infiltrer en nous sont principalement les failles de notre nature, les blessures et les traumatismes qui, s’ils ne sont pas vus et reconnus par un tiers bienveillant et aimant, deviendront des lieux d’insécurité profonde.
Ces blessures provoquent la mise en place de stratégies d’adaptations psychiques de protections et d’évitements afin de contenir et de circonscrire la souffrance ressentie.
Ces stratégies pourront devenir des portes d’entrées, des vecteurs facilitateurs sur lesquels les esprits mauvais pourront prendre chair et s’incarner dans la vie de la personne : Tristesse, mélancolie, insécurité, colère, violence, suicide, addiction, repli sur soi…
Toutes ces manifestations ne sont évidemment pas le signe d’une emprise des esprits mauvais mais elles sont indéniablement des portes d’entrées facilement accessibles au Malin.
« Il y a un cercle vicieux. Les blessures ouvrent la voie au lien spirituel, mais le lien maintient la blessure ouverte et ne permet pas qu’elle guérisse. Paradoxalement, le schéma négatif émotionnel ou cognitif ou comportemental, bien que choisi comme une protection, blesse la personne encore davantage… Délivrance, guérison et repentance ne peuvent être séparées étant donné qu’il serait inutile de renoncer à un esprit mauvais et de l’expulser si la porte d’entrée est toujours ouverte. »[4]
Mais ces mêmes failles sont aussi les portes par lesquelles la grâce peut nous rejoindre et nous guérir pour peu que nous osions, dans la confiance les faire venir à la lumière en présence de la miséricorde de Dieu.
Notre fragilité, nos blessures, la maladie sont le champ de bataille de prédilection où les puissances de vie et de mort s’affrontent en permanence.

Par son incarnation, Dieu épouse notre nature humaine dans ce qu’elle a de plus fragile, de plus dépendant. Dieu, verbe incréé, se fait enfant, sans parole. Il vient dans notre chair, non par force et par gloire mais dans le silence d’un nouveau-né.

L’arme de prédilection de Satan et le mensonge, la confusion des paroles et des pensées qui peuvent se traduire par une recherche de grandeur et de puissance engendrant des actes de destruction ou d’autodestruction.
La réponse de Dieu est l’abaissement, il ne retient pas sa grandeur et s’abaisse silencieusement dans notre condition humaine.
Dieu se manifeste pour détruire les œuvres du diable en se faisant vulnérable.
L’autorité en paroles et en actes de Jésus s’enracine dans cette attitude. Jésus est pauvre de lui-même, il se reçoit totalement du Père. Il est dans une confiance et un abandon total au Père. C’est cette désappropriation de toute volonté égotique qui permet à la source de vie de circuler librement en lui et autour de lui. C’est dans cette attitude confiante d’abandon qu’il exprime avec force sa personnalité et son individualité.

Jésus est fort car complétement abandonnée à la volonté d’amour de son Père. Il est en confiance. Il n’est pas seul et c’est fort de cette présence qu’il peut affronter toutes les failles de notre nature humaine et les traverser pour y porter la vie jusque dans la mort.

Le projet de Dieu sur chacun de nous est de nous faire entrer dans ce mouvement de confiance et d’abandon pour recevoir et goûter la vie en abondance.
Jésus sait aussi qu’il est des parties en nous qui ont du mal à faire confiance, qui ont été malmenées, abusées, violentées.
Que pour les plus fragiles d’entre nous, seule la douceur, la compassion et l’attention dans l’amour pourra guérir et apaiser, au moins un peu, ces douleurs.

Alors, Dieu se met entre nos mains, il se rend vulnérable, il se met à notre merci, il prend le risque de se donner, de s’exposer aux hommes.

L’incarnation est ce mouvement de Dieu qui se dépouille de ses attributs divins pour susciter dans le silence et la douceur la confiance des hommes.
Dieu a foi en l’homme, il a confiance en lui, il le cherche et espère sa réponse non par puissance et grandeur mais par amour et dans l’amour.
L’incarnation est le moyen incroyable que Dieu utilise pour détruire les œuvres du malin.

Si nos failles et nos blessures sont les portes d’entrées que le malin peut utiliser pour nous contaminer de ses pensées et de ses désirs mortifères, Dieu a choisi également ce qu’il y a de fragile et de faible en nous pour venir nous dire combien il nous aime et nous unir à lui.

« Le mystère de l’incarnation, c’est Dieu qui veut pénétrer tout notre être. Il connaît nos blessures… et que nous avons tous été blessées depuis que nous étions petits. Il sait que ce monde de ténèbres, de peurs, de culpabilité en nous s’est constitué très tôt.
Dieu veut pénétrer dans cette partie fermée, obscure, douloureuse de notre être pour nous libérer. »[5]

 

 

[1] Note TOB : 1 Jn 2,15 « N’aimez pas le monde ni ce qui est dans le monde »
[2] Le ministère de délivrance, Commission doctrinale de l’ICCRS, Service International du Renouveau Charismatique Catholique, p, 45
[3] Ibid. p.70-71.
[4] Ibid. p.70.
[5] La source des larmes, Jean Vanier, p. 68.