Jugement et miséricorde
Elles sont de deux types : les œuvres corporelles et les œuvres spirituelles.
Les œuvres corporelles sont : vêtir celui qui est nu ; donner l’hospitalité ; visiter les malades et les prisonniers ; nourrir ceux qui ont faim ; donner à boire à ceux qui ont soif ; ensevelir les morts.
« Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venu me voir (…). Tout ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »
Les œuvres spirituelles sont également au nombre de sept : instruire les ignorants ; prier pour le prochain ; consoler les affligés ; reprendre les pécheurs ; supporter celui qui est à charge ; conseiller son prochain dans le doute ; pardonner les offenses.
« On ne compte pas dans l’Église que des pauvres de corps, dont le corps est affamé ou sans abri. Il y a aussi ceux qui sont pauvres spirituellement, privés de la nourriture de la justice, de la boisson de la connaissance de Dieu, du vêtement du Christ… Il y a les étrangers au cœur sans abri, d’autres au courage chancelant, les spirituellement aveugles, les sourds emmurés dans leur désobéissance, ceux qui souffrent de toutes sortes de maladies spirituelles, et qui sont si malades qu’ils ont peur de recevoir une nourriture spirituelle. »
Miséricorde et jugement sont intimement liés, non pas en opposition mais comme une et même réalité.
« La miséricorde de Dieu c’est d’abord sa fidélité, Hèsèd, en hébreu. Dieu est fidèle à son alliance.
La miséricorde de Dieu c’est aussi le saisissement de ses entrailles, rahamin en hébreu. Ce sont les émotions ressenties par la femme en son sein maternelle. Toute la profondeur de la tendresse de Dieu est manifestée dans cette expression, très féminine. Dieu souffre, Dieu s’inquiète, Dieu Tremble. Et le nom du tremblement de Dieu, le nom de ses entrailles, c’est Jésus.
Enfin, un dernier mot dit la miséricorde de Dieu : La néhama qui signifie la repentance de Dieu, et la repentance de Dieu, c’est la consolation de l’Homme. Dieu se repend en consolant l’homme », pas en le condamnant.
Et pourtant, pour l’homme de l’ancien testament, la loi est son accusateur, son juge. C’est elle qui révèle à l’homme l’écart qui le sépare des préceptes de justice. La loi le juge et le condamne à la mesure de ses actes et de ses écarts. La loi met l’homme en tension entre la miséricorde de Dieu et la justice de Dieu.
Jésus vient nous libérer du joug de cette loi. « C’est lui qui nous justifie par la foi ». Gal 3,25.
Jésus-Christ est le nom, Il est l’image de ce Dieu créateur avec des entrailles de femme, de mère qui s’inquiète et qui console ses enfants. « Jésus Christ est le visage de la miséricorde du Père. »
Et la miséricorde comme nous l’avons vu, ce n’est pas un cataplasme que Dieu viendrait mettre sur nos fautes et notre fragilité, la miséricorde c’est la nature même de Dieu. Dieu en Jésus, ne voit pas notre nudité, ne voit pas notre péché. Jésus est infiniment discret, il ne passe pas son temps à comptabiliser les fautes des uns et des autres. Il se donne simplement et intensément par sa présence qui est tendresse, attention, fidélité, consolation pour recréer l’homme et la femme dans leur dignité première. Il ne juge pas. Il rencontre. Il ne condamne pas. Il sauve, guérit et réconcilie l’Homme avec lui-même et avec les autres. « C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs » Mt 9,13
« Ce qui tue la vie du croyant, ce n’est pas le péché, c’est le désespoir »
Le désespoir est souvent ancré dans le jugement que l’on porte sur soi et les autres. C’est en ce sens qu’Anne Lécu insiste sur le fait que la discrétion est la première condition pour vivre les œuvres de miséricorde.
Comme Dieu se fait discret en ferment lui-même les yeux sur la faute, nous sommes nous aussi invités à « fermer les yeux » sur nos fautes, à ne pas nous juger, ne pas nous condamner, apprendre avec Jésus à aller, en nous, à la rencontre de toutes les voix qui nous condamnent et nous jugent pour leur annoncer cette bonne nouvelle que Dieu ne nous juge pas, qu’il veut et peut nous libérer de nos peurs et de nos asservissements.
Cette discrétion se vit également dans une certaine retenue. « Lorsqu’on se raconte beaucoup, on se vide, on est comme une source qui s ‘écoule dans tous les sens, comme une dilapidation de tout son être ; et ainsi, on s’affaiblit. La discrétion produit l’effet contraire : elle nous aide à rassembler notre être, à le recueillir. »
Le Christ nous invite à nous retirer dans notre chambre pour prier le Père. Cette chambre, c’est notre conscience, c’est notre cœur, c’est le lieu de notre identité profonde, ce le lieu où est inscrit notre nom. C’est là que je suis en relation avec la puissance d’amour de miséricorde du Père, c’est là que je peux me laisser aimer et transformer, c’est là que je vais me laisser remplir pour ensuite déborder et témoigner de manière singulière de cet amour reçu autour de moi.
Cette discrétion qui m’invite à tourner mon regard vers le Christ plus que sur ma faute et mes travers, cette discrétion m’invite également à ne pas m’étonner du travers des personnes qui m’entourent et à ne pas poser de jugement. « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés »
« Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Celui qui croit en lui n’est pas jugé, mais celui qui ne croit pas est déjà jugé parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et voici quel est ce jugement : la lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière parce que leur manière d’agir était mauvaise. En effet, toute personne qui fait le mal déteste la lumière, et elle ne vient pas à la lumière de peur que ses œuvres ne soient démontrées coupables. Mais celui qui agit conformément à la vérité vient à la lumière afin que soit manifesté que ses œuvres sont faites en Dieu. » Jn 3, 17-21.
Dieu a envoyé son fils pour sauver et non juger le monde, et qui croit en Lui n’est pas jugé. On ne peut être plus clair. Jésus n’est pas venu pour juger. Alors quel est le jugement de Dieu ?
« La manière de juger du Christ, c’est de se mettre à la place du condamné. Le jugement de Dieu, c’est que le Christ est jugé par les hommes. »
Le jugement de Dieu ne se fait pas sur les personnes mais sur les œuvres : « Si l’œuvre bâtie sur le fondement existe, l’ouvrier recevra une récompense ; si l’œuvre est consumée, il en subira la perte ; quant à lui, il sera sauvé, mais comme à travers le feu. Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » 1 Co 3, 15-16
C’est clair, l’ouvrier ne sera pas jugé.
Celui qui ne vient pas à la lumière ne vient pas car il s’est déjà jugé lui-même. Il a peur de son propre jugement, il se condamne lui-même et son jugement donne ses œuvres pour coupables, mais nul part il est dit qu’elles le sont.
Pour celui qui vient à la lumière, il est juste dit que « ses œuvres sont faites en Dieu ». Il n’est pas dit qu’elles sont bonnes ou mauvaises. Non, juste qu’elles sont faites en Dieu. C’est à Dieu seul que reviendra la charge de juger les œuvres et d’en faire le tri. Pas à l’homme.
L’homme restera sauvé quoiqu’il advienne du tri de ses œuvres.
« Laissons Dieu juger nos œuvres et ne nous fatiguons pas à le faire à sa place. »
Comment Dieu peut-il agir de la sorte ? Il n’est que miséricorde.
Dieu est sans idée du mal. Il n’a de cesse de chercher l’homme pour lui dire combien il est aimé et le guérir de sa honte et de tous les jugements qu’il porte sur lui et sur les autres. Il est venu détruire la haine qui nous pousse à construire des murs en nous et autour de nous. Laissons- nous aimer et réconcilier avec Dieu qui ne veut que la vie en nous et pour nous. Quittons la robe de tristesse de nos condamnations et de nos jugements pour nous laisser revêtir de la tunique de joie du ressuscité.
Dieu prononce sur chacune de nos vies : « tu n’es pas coupable… devant Lui, nous sommes innocents. »
« Le Christ, une fois pour toutes, nous a recouverts de sa tunique offerte en même temps qu’il pardonnait ce qu’il y avait à pardonner. Il a seul porté le poids et payé le prix. La tunique sans couture du Christ, offerte une fois pour toutes à l’heure de sa passion, nous a définitivement revêtus de probité et de linge blanc. Le vêtement, c’est lui. »
Fichiers